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Pascal Vatinel, L’affaire du cuisinier chinois

Les éditions du Rouergue 2007.

«Eau chaude, tisane du pauvre»… La Vichy Célestins: « des bulles légères, une toute petite note salée à peine perceptible, une belle dose de bicarbonates».

 

 

 

 

Bonjour, Pascal Vatinel, eau plate ou eau gazeuse ?

Eau plate, pendant les repas. Et même souvent : eau chaude ! Un truc appris au contact des familles chinoises. Cette eau chaude est en quelque sorte la « tisane du pauvre », plus simple à préparer elle conserve les vertus digestives de la tisane.Entre les repas, une eau gazeuse, pour le fun et me sentir vraiment désaltéré. Ma préférence : Vichy Célestins. Bulles légères, toute petite note salée, à peine perceptible (ce n’est pas la St Yorre), une belle dose de bicarbonates (précieux eux aussi pour la digestion). Indispensable après toute activité physique !

 

Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?

Je mange de tout et aime toutes les cuisines du monde. Peu de viande (pas encore végétarien, mais presque) et peu de poisson (trop touchés par la pollution). Mon souci de la protection animale m’interdit foie gras et caviar ainsi que la consommation de toute espèce protégée. J’ai eu la chance de découvrir près de chez moi un traiteur chinois qui semble cuisiner avec des produits de qualité. Ses raviolis grillés sont sublimes, conformes à ceux que j’ai l’habitude de consommer lorsque je suis en Chine. Au porc, mais surtout végétariens. J’ai discuté avec le cuisinier, que je félicitais pour la finesse de sa pâte. Il m’a avoué s’être un peu inspiré des Gyosa japonais. Preuve que la cuisine se moque bien volontiers des tensions politiques !

 

Avez-vous toujours mangé ce plat ?

Depuis mon premier voyage en Chine, en 1988, très régulièrement. C’est un des plats que je teste systématiquement dans un restaurant chinois ou japonais et qui me permet de décider ou non de poursuivre l’expérience avec ledit établissement.

 

Quel est votre parcours culinaire ?

Je ne sais que répondre. Si je me définis comme vraiment gourmand (mais tout de même plus en recherche de qualité que de quantité), je suis en revanche un piètre cuisinier ! Je sais me débrouiller pour me faire plaisir et ne pas mourir de faim, mais n’oserais certainement pas me mettre aux fourneaux pour des invités. Je compte beaucoup sur ceux qui ont un vrai talent. Adolescent, j’ai toutefois imaginé d’abandonner mes études pour un apprentissage en pâtisserie. Je n’ai pas cédé à la tentation (hélas ?) mais ai gardé jusqu’à l’âge de trente ans environ (et le moment où mes occupations professionnelles devenaient omniprésentes) le goût de préparer des desserts très simples : babas au rhum, brioches, beignets, mousse au chocolat… toujours plus longs à faire qu’à manger !

 

A-t-il plutôt  influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?

Je ne sais pas. Je ne crois pas. Si oui, peut-être dans mon goût pour des recettes simples, traditionnelles, privilégiant souvent la saveur à la présentation. (Même si l’une ne devrait pas exclure l’autre… et c’est là que le talent…)

 

Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?

Dans mon cas, ce sera plus une anecdote. Tirée d’un de mes récents séjours en Chine, dans la région de Shanghai.

Lauréat de la mission Stendhal, pour l’Institut français, j’ai séjourné plusieurs mois dans cette ville du sud de la Chine. Le contexte de cette mission a fait que j’étais régulièrement invité au restaurant, soit dans le cadre consulaire, soit par des familles chinoises désireuses de me témoigner une certaine forme de respect. Pas loin de quatre-vingt pour cent de mes repas se sont faits dans des restaurants. J’ai goûté à un nombre incroyable de recettes aussi nouvelles pour moi qu’étonnantes (crevettes crues mises à mariner dans le vin, « Tofu qui pue » (et qui porte si bien son nom), serpent, âne, et… tortue ! Manger ces animaux était pour moi une réelle épreuve, en particulier les tortues. (Pour la petite histoire, j’ai fondé avec mon épouse une association de protection des tortues marines au Sri Lanka.). Mais le respect ne fonctionne que s’il est réciproque : pas question de vexer mes hôtes chinois ! Tout juste ai-je réussi à échapper au morceau de choix que l’on me proposait en tant qu’invité d’honneur : la carapace ! Eh oui, il s’agit d’une carapace « molle », un gros morceau de cartilage… dans lequel je vis la dame chinoise à qui j’avais cédé ma part, croquer avec un évident plaisir. J’ai tout de même eu droit à ma part de viande de tortue. Bien que mangée à regret, je dois reconnaître qu’elle était succulente. Rarement je n’avais goûté une chair aussi fine, tendre, à la saveur délicate. Je n’ai pas pour autant le désir de renouveler l’expérience  ^_^

 

Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?

Même si je ne suis pas spécialement « fou » de ce fruit, je répondrais : la banane.

Cela vient bien sûr de ma conception particulière de la mobilité, que j’entends ici au sens de voyage (et non de tourisme ni de déplacements professionnels). Que ce soit sur un bateau ou en randonnée en Tasmanie, comme très récemment, j’ai souvent une ou deux bananes au fond de mon sac. Merveilleux coupe-faim, facile à manger (sans s’en mettre partout), aliment très sain, la banane ne manque pas de vertus. D’ailleurs, on est forcément heureux si « on a la banane » !

 

Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?

Incontestablement… le chocolat !

Une véritable drogue. Quand je ne voyage pas, j’écris. Et pour écrire, j’ai besoin d’un stimulant. Cela aurait pu être l’alcool, le tabac ou d’autres substances plus toxiques encore. J’ai réussi à me rabattre sur le chocolat. À très hautes doses, malgré tout. Alors, m’en passer pendant un an… même pas dans mes pires cauchemars !

 

Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?

Évidemment, vous pourriez vous attendre à un restaurant asiatique. Aussi, j’espère vous surprendre en vous proposant plutôt un restaurant très « français » et ô combien réputé, loin de la cuisine simple évoquée plus haut. Je pense à La Tour d’Argent ! Je sais, ce n’est pas à la portée de toutes les bourses. J’ai eu la chance d’y être invité par un grand dirigeant d’entreprise américaine. Et ce soir-là, j’ai découvert leur fameux… canard au sang ! Une merveille absolue, de saveurs et de raffinement. Qui me renvoya immédiatement au célèbre canard laqué, spécialité chinoise, qui reste un de mes meilleurs souvenirs de dégustation de la cuisine pékinoise. Pauvre canard, pauvre oiseau migrateur, je n’abuserai point de ta chair. Mais je reconnais, que d’un simple coup d’aile tu m’as permis de ressentir le lien puissant qui pouvait unir deux grandes cuisines du monde, française et chinoise, et leurs capitales : Paris, où je vis, et Pékin, qui m’habite.

 

Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?

Alors, retour à la cuisine « simple » ! Je vous l’ai dit, je ne suis pas cuisinier. Et la recette que je vais vous proposer, que vous jugerez forcément « élémentaire », n’en représente pas moins la limite actuelle de mes compétences en matière culinaire. Je vous propose ma recette des… crêpes chinoises ! (Une recette « volée » à une amie chinoise qui habite Paris et qui les réussit à merveille). Lors d’un récent séjour en Bretagne, en signatures pour un Festival du livre, un jeune lecteur me demandait si en Chine on mangeait… des crêpes !? J’étais très heureux de lui répondre par l’affirmative. C’est un des plats de rue dont je me régale très souvent là-bas.

Voir la recette jointe.

 

Pour finir, quelques mots sur l’altérité et  le « vivre ensemble »

À force d’écrire (j’en suis à mon seizième roman), j’ai vite pris conscience que mes personnages, qu’ils soient Chinois, Coréens, Japonais, Birmans, Français, Alaskans, Canadiens, Américains… avaient pour la plupart en commun d’être… gourmands. Mon premier roman pour adultes, L’Affaire du cuisinier chinois, est un polar… gastronomique. Tout cela n’est pas le fruit du hasard. Je conçois le voyage comme la rencontre avec l’autre, et c’est bien souvent autour d’un étal de rue, dans un  restaurant, au sein d’un foyer à la table de mes hôtes, que ces rencontres se font ou se poursuivent. De mes voyages, pour écrire, je rapporte des anecdotes, des paysages, des rencontres, mais aussi et surtout des senteurs et des saveurs. Nous n’avons rien inventé de mieux que la cuisine pour nous réunir, accepter nos différences et même les rechercher. Avec mon épouse, la pièce que nous avons privilégiée, partout où nous sommes passés (nous avons déménagé une bonne douzaine de fois) a toujours été la cuisine, lieu de convivialité par excellence. Mon meilleur souvenir, dans mon parcours d’écrivain, restera sans doute la publication de L’Affaire du Cuisinier chinois. Ce livre m’a indéniablement porté chance. À sa sortie, je me suis retrouvé aussi souvent invité dans des salons « du polar », que dans des salons « gourmands » (comme le fantastique salon de Périgueux). J’ai eu le plaisir de dédicacer mon ouvrage à de très grands noms de la cuisine et de la pâtisserie. De participer à des tables rondes avec des chefs capables de commenter épices, saveurs, sensations avec des mots qui résonnaient déjà en l’écrivain que je devenais. Jamais un livre ne m’aura ouvert autant de portes. Normal, la cuisine y joue un rôle central !