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Michèle Villemur

Conversations gourmandes avec Madame de Pompadour

Cherche midi 2016.

« J’ai pour principe de manger peu, mais de me faire plaisir… »

 

 

 

 

Bonjour, Michèle Villemur, eau plate ou eau gazeuse ?

 L’eau chez moi, ça rouille. Laissons cette denrée précieuse au ciel en suppliant ses nuages d’arroser toutes les nappes phréatiques asséchées !

Quel plat  mangez-vous bien volontiers en ce moment ?

Du ris de veau, de la pomme ou de la noix, si possible celle du restaurant la Tour d’Argent,  un morceau de maître croustillant et juste caramélisé grâce au chef : Philippe Labbé, sinon j’aime le dos de cabillaud pêché droit dans les bottes.

Avez-vous toujours mangé ces plats ?

 J’ai pour principe de manger peu mais de me faire plaisir. Dès l’instant où la vache folle et son veau fou ne couraient plus, je mettais à l’honneur le produit tripier -sous toutes les coutures- (Haute-Couture) dans un livre : Plats Canailles. (2008 – Aubanel –  un collector qui s’arrache aujourd’hui comme les joyaux de la reine  mais qui rend heureux grands et petits !).

Quel est votre parcours culinaire ?

 Dès l’instant où j’ai su tenir une petite cuillère, j’apprenais à faire cuire un œuf… enfin presque, je me rappelle de ma rédactrice en chef de Cuisine et Vins de France : Irène Karsenty pour ne pas la citer qui m’a posé cette question quand j’ai voulu travailler avec elle, en 2000. « Comment se cuit un œuf coque, un œuf mollet et un œuf dur ?»… J’ai tout simplement répondu : « cela dépend de la taille de l’œuf ! » Ce jour là j’ai failli disparaitre à tout jamais de l’univers gastronomique mais elle m’a gardée quatre ans. Depuis j’ai écrit presque 30 livres de cuisine et je continue de me régaler !

A-t-il plutôt  influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi ?

 Sûrement et longtemps avant le commun des mortels ! Un produit de qualité n’est pas forcément coûteux. Il suffit de l’acheter en saison, chez un agriculteur ou attendre une promotion, ce qui arrive de plus en plus et cela ne veut pas dire que le détaillant cherche forcément à l’écouler… Lire les étiquettes reste mon principe de base. Je pense être incollable sur l’étiquette.

Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?

J’étais femme de diplomate français en Algérie et c’était au tour de la France d’organiser dans sa résidence un déjeuner avec douze autres ambassadeurs européens. Nous étions en période de Ramadan et sur le marché d’Hydra (en hauteur d’Alger), la nourriture manquait. J’avais quand même réussi à dégoter des poulets, des œufs et de la crème fraîche. Au résultat final, je crois que j’ai failli tous les empoisonner. L’Anglais a eu mal au ventre, l’Allemand s’est porté pâle dans l’après-midi selon sa secrétaire, l’Espagnol n’a plus donné de nouvelles pendant une semaine et le mien (le diplomate français) a filé au Val de Grâce par avion sanitaire… La crème ou les œufs se retournent encore dans leur casserole… Inutile de préciser que je n’étais pas fière de l’expérience. Depuis ce temps, je suis « plein pot » en cuisine. Je peux même affirmer que je pourrais ouvrir demain un restaurant étoilé. Goûtez-moi cette sauce poulette ? Hein, je vous l’avais bien dit…

Quel est selon vous  l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?

 Cette question est si délicieuse que je me la repose volontiers mille fois ! Viande : non… Poisson : on attend de savoir… Ce serait peut être alors du bon pain car nos boulangers se surpassent en la matière. Finie la mauvaise baguette des années 70 qu’il fallait faire cuire à la chaîne… Nos artisans ont créé de la variété et l’on ne s’ennuie pas de la croûte qui chante à la mie qui respire.

Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?

Une coupe de Champagne comme le disait si joliment Mme de Pompadour, favorite en titre de Louis XV ! Le vin de Champagne est le seul vin qui laisse la femme belle après boire.

De la bouteille avec force élancée
Comme un éclair fait voler le bouchon
Il part, on rit ; il frappe le plafond
De ce vin frais l’écume pétillante
De nos Français est l’image brillante
Le lendemain donne d’autres désirs
D’autres soupers et de nouveaux plaisirs

Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?

Je dirais : faites le tour de France et pas seulement de Paris car les guides n’ont pas le temps de les connaitre tous. Ces restaurants changent, naissent et se réinventent sans cesse. Ayez la curiosité de regarder ce que dit la porte : maître restaurateur, cuisinier restaurateur, fait maison… Poussez et découvrez… Je juge d’emblée l’état général en commençant par le nappage des tables. Vous aimez le papier ou le rien ? (ce qui coûte moins cher) Pourquoi pas… Demandez la carte. Trop longue en souris d’agneau à cent pattes, pots au feu du jour, blanquette du chef et autres gratins gourmands (un adjectif mis à toutes les sauces) gentiment alignés sur une dizaine de pages, vous mettra non pas l’eau à la bouche mais la puce à l’oreille : vous ne mangerez rien de frais… Mais le sous vide a ses avantages of course. A l’heure de l’addition, vous saurez si l’arête est restée en travers. En tant que journaliste gastronomique, je demande toujours à dire bonjour en cuisine. Je regarde les plans de travail et  la tête de ceux qui œuvrent derrière. S’ils semblent heureux c’est que le chef les respecte. Un vrai métier en sous sol que beaucoup devraient savoir… Il est où le couteau là ?

Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?

 Une généreuse cucurbitacée ! J’attends avec joie le potiron, les potimarrons, les courges et courgettes de toutes les couleurs. Avec l’été indien et la pluie du printemps, on attendra un peu  plus cette année. Ces légumes d’automne permettent toutes les bonnes recettes pas chères à réaliser ! Prenez une citrouille, creusez-la sans la trouer. Faites une soupe crémeuse avec sa chair (mixeur) à l’intérieur. Ajoutez une pointe de vanille et des petits croûtons grillés à la dernière minute… Un jeu d’enfant  pour Halloween !

Pour finir, quelques mots sur l’altérité et  le « vivre ensemble »

 L’altérité a pour définition : d’aimer l’autre dans sa différence, qu’elle soit ethnique, sociale, culturelle ou religieuse. De la racine à la fleur, je suis cette graine d’amour. J’aime l’autre dans tout ce qu’il représente et je dis oui au mariage pour tous. Cependant, je trouve affligeant que des enfants de quinze ans et d’autres fanatiques ne voient la vie qu’à travers une kalachnikov… La planète ne tourne plus rond et l’homme marche sur la tête. Dame nature n’est plus une gardienne du temple, il faut dire aux humains de réapprendre à vivre et vite, à moins qu’ils ne choisissent Pluton… Qu’on se passe le mot.