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Élisabeth Scotto

L’huile d’olive, l’or de la Provence, Chêne 2012

 

Bonjour, Élisabeth Scotto, eau plate ou eau gazeuse ?

Eau légèrement gazeuse.

 

Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?

Des pâtes aux oursins (je sais, ce n’est pas la saison !)

 

Avez-vous toujours mangé ce plat ?

Non, nous mangions beaucoup d’oursins en Algérie, où je suis née, mais nous ne les mangions que crus, aussitôt pêchés, aussitôt ouverts. J’ai découvert cette recette à Naples, hors-saison d’ailleurs… Le serveur du restaurant à qui j’en avais fait la remarque m’avait répondu : « Pas de problème… ». (On est à Naples, n’est-ce pas ? Donc tout est possible !)

 

Quel est votre parcours culinaire ?

Née les mains dans la farine – celle dont on fait la pâte fraîche ou les gâteaux –, je ne pouvais que finir dans la cuisine ! Bac + études de japonais par passion, et cuisine par accident : ma sœur ainée, Marianne Comolli, est devenue journaliste culinaire (elle aussi par accident) et toutes deux, rejointes ensuite par Michèle Carles (encore une sœur !), nous nous sommes lancées dans la création de recettes. Ce qui impliquait l’étude des classiques français (on ne peut construire sans fondations), à travers les livres et, en même temps, la mise en pratique dans nos cuisines respectives. Et les choses sont venues toutes seules : écriture de livres, créations pour la presse et, aujourd’hui, mon blog (elisabethscotto.com), qui me donne une liberté inouïe, que l’on n’a pas dans la presse – même si, on le sait, elle est libre…

 

Ce parcours a-t-il plutôt  influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?

J’ai toujours aimé manger et faire (dans le sens fabriquer) la cuisine. Je dirai que mon parcours m’a ouvert les yeux sur le monde ! Française d’origine italienne, née en Algérie, j’avais dès le début trois cultures culinaires à ma disposition. Sans oublier les quelques Espagnols qui vivaient aussi dans mon village. Et en me passionnant pour la cuisine, j’ai très vite eu envie de découvrir celle des autres. La japonaise, bien sûr, si loin de nous et tellement extraordinaire. Et étudier la culture japonaise à l’INALCO m’a permis de « comprendre » un peu mieux cette cuisine. Donc… France, Italie, Algérie, Espagne, Japon. Pour commencer. Et ensuite, le monde entier. Car il y a « à prendre » (apprendre ?) dans toutes les cultures. Je ne connais pas le monde entier, loin de là. Mais aujourd’hui, il est tellement facile (merci Internet !) de découvrir ce que mangent nos voisins, proches ou lointains.  Mais rien ne remplace les voyages pour découvrir les produits (aller au marché reste ma préoccupation première), les restaurants (du plus simple « bouiboui » au grand restaurant), les coutumes… Regarder les gens cuisiner et manger, c’est passionnant !

 

Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?

Il y a environ 40 ans à San Francisco, j’ai goûté mes premiers sushis. Je n’étais pas encore allée au Japon et, à Paris, je pense qu’il n’existait que Takara, un restaurant inabordable pour moi. Je connaissais la cuisine japonaise à travers mes études de japonais, et là je me retrouvais face à sa réalité. Et quelle magnifique réalité !

 

Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?

La mobilité ? Vous voulez parler des migrants qui emportent leur pays dans un coin de leur tête et de leur cœur ? Le pain : c’est toujours la première chose que l’on partage. Dans les civilisations de peu, il y a toujours un morceau de pain auquel on ajoute, selon ses moyens, de l’huile d’olive, des olives, des oignons, du fromage, des tomates… Et l’on retrouve le pain tout autour de la Terre, son côté caméléon, qui le fait gonflé et joufflu, galette fine ou épaisse, boule cuite à la vapeur… Fait de blé, épeautre, seigle, maïs, riz, sarrasin, orge…

 

Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?

L’huile d’olive, sans aucun doute. Je dirais même LES huiles d’olive, tant elles sont diverses, de goût et de texture.

 

Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?

Un étoilé : L’Arpège, d’Alain Passard, pour son apparente simplicité.

Un restaurant « normal » : Papillon, de Christophe Saintagne, qui a quitté les grandes maisons pour ouvrir son lieu, joyeux, où l’on se sent bien dès la porte poussée.

 

Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?

Question très difficile, il y en a tant et tant que j’aime !

Le tofu, qui a si mauvaise réputation ! On le dit sans goût, fade, sans intérêt. Outre son grand intérêt nutritionnel (demandez aux végétariens), comme le pain, il est caméléon. J’aime autant le tofu soyeux, à la douce texture, que le tofu ferme et même extra-ferme.

 

Pour finir, quelques mots sur l’altérité et  le « vivre ensemble »

L’Homme est un animal social, estimait Aristote : si l’on n’apprend pas à vivre avec l’autre, que deviendra-t-il ? C’est une question d’éducation : apprendre dès l’enfance que le nouveau venu n’est pas l’ennemi mais, au contraire, une inépuisable source de découvertes. Mais il est vrai que les enfants acceptent plus facilement l’autre que nous, les adultes. Nous devons nous délester de la sale habitude de fermer notre porte à tout ce que nous ne connaissons pas. Peut-être cuisiner ensemble nous aidera-t-il à surmonter les difficultés de notre planète ?